Maximes de coquetterie
À Mlle de Navarre
Jeune Iris, souffrez sans courroux
De passer pour coquette.
Pourquoi vous offenseriez-vous
D’une telle épithète?
Quelque grain de légèreté
Et de coquetterie
Ajoute encore à la beauté
Le titre de jolie!
Ne voyons-nous pas tous les jours
Folâtrer sur vos traces
Presque autant de nouveaux amours
Qu’on voit en vous de grâces?
On n’engage qu’un seul amant,
Quand on est si fidèle.
Qui ne veut que plaire en a cent
Qui voltigent comme elle.
Pourquoi vouloir mal à propos
Vous piquer de constance?
Cette triste vertu des sots
N’est plus de mode en France.
Laissez aux belles du commun
L’honneur d’être constante.
Vaut-il mieux n’en rendre heureux qu’un,
Que d’en amuser trente?
Ces belles dont l’antiquité
Consacre la mémoire,
Avec plus de fidélité,
Auraient eu moins de gloire ;
Et sans le nombre des amants
Qui les ont adorées,
Que de déesses de ce temps
Qui seraient ignorées!
Nous aurait-on parlé jamais
De la beauté d’Hélène,
Sans ces rois et ces héros grecs,
Qui portèrent sa chaîne?
Vénus même, sans les amours
Qui naissent sur ses traces,
À Paphos s’ennuierait toujours
Seule avec ses trois Grâces.
Imitez toujours nos guerriers,
Si jaloux de la gloire ;
Ils ne veulent que des lauriers
Pour prix de leur victoire.
À peine un coeur est-il dompté,
Attaquez-en un autre.
Triomphez de leur liberté ;
Jouissez de la vôtre.