Quand on rentre chez soi, délivré de la rue
Quand on rentre chez soi, délivré de la rue,
Aux fins d’automne où, gris cendré, le soir descend
Avec une langueur qu’il n’a pas encore eue,
La chambre vous accueille alors tel qu’un absent…
Un absent cher, depuis longtemps séparé d’elle,
Dont le visage aimé dormait dans le miroir ;
Ô chambre délaissée, ô chambre maternelle
Qui, toute seule, eût des tristesses de parloir.
Mais pour l’enfant prodigue elle n’a que louanges…
L’ombre remue au long des murs silencieux :
C’est le soir nouveau-né qui bouge dans ses langes ;
Les lampes doucement s’ouvrent comme des yeux,
Comme les yeux de la chambre, pleins de reproche
Pour celui qui chercha dehors un bonheur vain ;
Et les plis des rideaux, qu’un frisson lent rapproche,
Semblent parler entre eux de l’absent qui revint.
La chambre fait accueil ; et le miroir lucide
Pour l’absent qui s’y mire, est soudain devenu
Son portrait-grâce à quoi lui-même il élucide
Tant de choses sur son visage mieux connu,
Des choses de son âme obscure qui s’avère
Dans ce visage à la dérive où transparaît
Son identité vraie au fil nu du portrait,
Pastel qui dort dans le miroir comme sous verre!