Épitaphe d’un ivrogne
Ci-dessous gît, or écoutez merveilles,
Le grand meurtrier et tirant de bouteilles,
L’anti-Bacchus, le cruel vinicide
Qui ne souffrit verre onques plein ni vide ;
Je tais son nom, car il put trop au vin.
Mais il avait en ce l’esprit divin
Qu’en le voyant il altérait les hommes,
Et haïssait lait, cerises et pommes,
Figues, raisins, et tout autre fruitage,
Sinon les noix, châtaignes et fromages ;
Il y dolait tant fort le gobelet
Qu’il ne mangeait viande que au salé,
Et ne priait Dieu, les saints ni les anges,
Fors pour avoir glorieuses vendanges.
Par ce moyen, humains, vous pouvez croire
Qu’il n’était né pour vivre, mais pour boire.
Ainsi ne vient à regretter sa vie
Puisqu’elle était au seul vin asservie,
Mais vous ferez à Bacchus oraisons
Qu’il le colloque en ces saintes maisons,
Tout au plus bas de la cave au cellier,
Car oncq ne fut de meilleur bouteillier.