La terre se couvre de fleurs et de fruits
Ja le pesché velu, jà l’orenge doré,
Le friand abricot, et le coing decoré
D’un blanchastre duvet, portent sur leur escorce,
Escrite du grand Dieu la pourvoyante force.
La doux-flairante pomme, et l’une et l’autre noix,
La restraignante poire, et le fruict idumois,
La figue jette-laict, la cerise pourpree,
L’olive appetissante, et la prune sucree,
Vont par tout respandant un plaisant renouveau,
Faisant de chaque camp un paradis nouveau.
Icy le poivre fin comme en grappes s’assemble,
De là croist la canelle ; icy sous Eure tremble
La muscadelle noix qui fournit chacun an
Un publique butin aux hommes de Bandan.
Jà la blanche douceur du sucre encore humide
S’engendre dans le creux d’une plante hesperide.
Jà le baume larmoye, et jà les bois fameux
Du peuple atramitain pleurent l’encens fumeux.
Bien que par le peche, dont notre premier pere
Nous a bannis du ciel, la terre degenere
De son lustre premier, portant de son Seigneur
Sur le front engravé l’éternel déshonneur,
Que son age decline avec l’age du monde,
Que sa fécondité la rende moins feconde,
Semblable à celle-là, dont le corps est cassé
Des tourmens de Lucine, et dont le flanc lassé
D’avoir de ses enfants peuplé presque une ville,
Espuisé de vertu devient enfin sterile;
Si fournit-elle encore assez ample argument,
Pour célébrer l’auteur d’un si riche ornement.
Jamais le gay printemps à mes yeux ne propose
L’azur du tin fleury, l’incarnat de la rose,
Le pourpre rougissant de l’oeillet à maint plis,
Le fin or de Clitie et la neige du lis,
Que je n’admire en eux le peintre qui colore
Les champs de plus de taints que le front de l’aurore,
Qui quittant des poissons le tempesteux sejour
Conduit, avant-courriere, es Indes un beau jour,
Ou de l’arc qui promet aux plaines alterees
D’arrouser leurs seillons de fecondes orees.