D’un renard et d’un bouc
Un fin renard et subtil par nature
Avec un bouc se trouva d’aventure
Au bord de l’eau, de quelque puits si haut
Qu’il en faillait issir à double saut,
Ce que voyant le renard, fine bête,
Lors dit au bouc : » Dresser convient ta tête
Et l’estocquer encontre la paroi ;
Par ce moyen je saillirai sur toi,
Et par après dessus le bord du puits,
Facilement pourrai saillir, et puis
Je te promets de t’en tirer dehors. «
Le pauvre bouc crut ce renard alors,
Par quoi s’est pris à estocquer de front
Les pieds en haut et ce renard fort prompt
Dessus le col lui saut du premier coup,
Et du second se jeta bien acoup
Outre le bord de ce puits ainsi haut ;
Par ce moyen le renard fin et cault
Échappa lors sautant et goguetant
Dessus le bord de ce puits ; entretant
Le pauvre bouc lui va crier d’en bas »
Ah! faux renard je vois que tu t’ébats
Lassus, n’ayant aucun souci de moi.
En toi ni à promesse qui ait foi,
Quand ainsi est que d’aider à me mettre
Hors de ce lieu tu m’as bien su promettre,
Mais maintenant ne t’en chaut quand tu vois
Être échappé par tes fins ambigeois. «
A quoi répond le renard : « Pauvre bête,
S’autant de sens tu avais en la tête
Comme de poil as sous gorge pendu,
Pas en ce lieu ne fusses descendu. «