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Poèmes en français


Satire XI

Pour être courtisan, il faut dissimuler,
Faire le chien couchant, ou ne s’en point mêler ;
Je n’ai point ces vertus : comme sous une halle,
Mon esprit simplement sa marchandise étale ;
Je hais tout artifice et tout déguisement,
Je ne sais ni louer ni blâmer faussement ;
Bref, qu’en tous mes propos je suis si véritable
Qu’un grand ne me veut voir qu’une fois à sa table ;
Et d’ailleurs je ne suis ni flatteur ni devin,
Un peu trop librement je demande du vin ;
Je jouerais à la Cour un mauvais personnage,
Vu, comme chacun sait, que je n’ai qu’un visage.

Comme un vaisseau sur mer, selon qu’il a le vent,
Fuit quelquefois le nord pour cingler au levant,
Pource qu’il périrait s’il n’avait qu’une route,
L’homme que tu connais fait de même sans doute ;
Il a sur son esprit tant de commandement
Qu’à tout ce qu’il lui plat il le ploie aisément ;
Selon le temps qui fait, ou l’astre qui domine,
Il change d’entretien, et de geste, et de mine.
L’Église a divers chants en diverses saisons,
Et tout cela fondé sur de bonnes raisons ;
Lui sans comparaison ne fait rien qu’il n’en die
Le pourquoi, le comment, et qu’il ne l’étudie.

C’est le caméléon qui prend toute couleur,
Qui soupire en sa joie, et chante en sa douleur.
Enfin il s’est acquis un pouvoir sur lui-même
Tellement absolu qu’il n’en est point de même ;
A ce que veut un autre il est si tôt porté
Qu’il semble n’avoir point de propre volonté.


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Poeme Satire XI - Jacques Du Lorens
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