L’automne
Ô vous qu’ont enrichis les trésors de Cérès,
Préparez-vous, mortels, à de nouveaux bienfaits.
Redoublez vos présents, terre heureuse et féconde ;
Récompensez encor la main qui vous seconde.
Et toi, riant automne, accorde à nos désirs
Ce qu’on attend de toi, du repos, des plaisirs,
Une douce chaleur, et des jours sans orages.
Il vient environné de paisibles nuages,
Il voit du haut du ciel le pourpre des raisins,
Et l’ambre et l’incarnat des fruits de nos jardins.
De coteaux en coteaux la vendange annoncée
Rappelle le tumulte et la joie insensée ;
J’entends de loin les cris du peuple fortuné
Qui court, le thyrse en main, de pampres couronné.
Favoris de Bacchus, ministres de Pomone,
Célébrez avec moi les charmes de l’automne :
L’année à son déclin recouvre sa beauté.
L’automne a des couleurs qui manquaient à l’été.
Dans ces champs variés, l’or, le pourpre et l’opale,
Sur un fond vert encor brillent par intervalle,
Et couvrent la forêt, qui borde ces vallons,
D’un vaste amphithéâtre étendu sur les monts.
L’arbre de Cérasonte au gazon des prairies
Oppose l’incarnat de ses branches flétries.
Quelles riches couleurs, quels fruits délicieux
Ces champs et ces vergers présentent à vos yeux!
Voyez par les zéphyrs la pomme balancée
Échapper mollement à la branche affaissée,
Le poirier en buisson, courbé sous son trésor,
Sur le gazon jauni rouler les globes d’or,
Et de ces lambris verts attachés au treillage
La pêche succulente entraîner le branchage.
Les voilà donc, ces fruits qu’ont annoncés les fleurs
Et que l’été brûlant mûrit par ses chaleurs!
Jouissez, ô mortels, et, par des cris de joie,
Rendez grâces au ciel des biens qu’il vous envoie ;
Que la danse et les chants, les jeux et les amours,
Signalent à la fois les derniers des beaux jours.