Ne nous plaignons pas
Ce ne sont plus les jours des entreprises folles,
Où chaque obstacle était franchi d’un seul élan,
Où le coeur s’enivrait au doux miel des paroles,
Et se prenait aux noeuds d’un voile ou d’un ruban,
C’est l’heure où de la vie on comprend la chimère,
Où l’on sent qu’ici-bas tout n’est que vanité ;
Et ce dernier moment, ce moment éphémère,
Sera demain l’éternité.
On voit comme un présage une feuille qui tombe,
Un astre se voiler, une fleur se flétrir :
La nature, qui meurt, nous prépare à la tombe ;
On se sent jour à jour plus doucement mourir.
On a – quand du soir vient la brise salutaire, –
Les doux parfums avant le coucher du soleil,
Le tapis de gazon avant le lit de terre,
Le repos avant le sommeil.
Il est doux, – voyageur à la fin de sa course, –
Quand l’air lourd qu’on respire est un poids étouffant,
D’aller se rafraîchir à l’eau de cette source,
Où l’on s’est enivré lorsqu’on était enfant.
Et quand chaque bonheur loin de nous se retire,
Pour adoucir le choc de ce suprême adieu,
De porter ses regards vers le ciel, et de dire :
« Ayez pitié de moi, mon Dieu! »