Paraphrase sur le cantique des trois enfants
Benedicite omnia opera domini domino
Benedicite coeli domino
Cieux, épouvantables machines
D’azur en voûte suspendu
Où Dieu de son bras étendu
A fait voir ses forces divines ;
Tabernacles étincelants,
Trônes assurés et roulants,
Cercles de la terre et de l’onde,
Corps d’airain massifs et dispos,
Bénissez l’arbitre du monde
Qui dans le mouvement a mis votre repos.
Benedicite aquae omnes
Clairs amas de mers précieuses
Qui, pendant sur le firmament
Et coulant sans écoulement,
Semblent être judicieuses ;
Eaux assises dessus les feux
Qui dorent d’un éclat pompeux
Le front de la nuit la plus noire,
Bénissez le Dieu qui remplit
De tant de lumière et de gloire
Comme d’un sablon d’or votre superbe lit.
Benedicite sol
Corps sans chaleur dont la Nature
Reçoit sa plus vive chaleur,
Soleil qui faites sans couleur
Ce que le monde a de peinture ;
CEil et coeur de cet univers,
Cause de mille effets divers,
Portrait de la cause première,
Bénissez, astre non pareil,
De votre éloquente lumière
Le Soleil devant qui vous n’êtes pas soleil.
Benedicite luna domino
Lampe d’argent au ciel pendue,
De qui le pâle feu nous luit
Pendant que l’horreur de la nuit
Dessus la terre est épandue
Lune de qui les pâles rais,
Ensemble lumineux et frais,
Possèdent des clartés sans flammes,
Bénissez le Dieu des bontés,
Qui n’extermine pas nos âmes,
Les voyant sans amour connaitre vos beautés.
Benedicite stellae coeli
Paillettes d’or, claires étoiles,
Dont la nuit fait ses ornements,
Et que comme des diamants
Elle sème dessus ses voiles :
Fleurs des parterres azurés,
Points de lumière, clous dorés
Que le ciel porte sur sa roue,
De vous soit à jamais béni
L’Esprit souverain qui se joue
À compter sans erreur votre nombre infini.
Benedicite ros domino
Grains de cristal, pures rosées
Dont la marjolaine et le thym
Pendant leur fête du matin
Ont leurs couronnes composées ;
Liquides perles d’orient,
Pleurs du ciel qui rendez riant
L’émail mourant de nos prairies,
Bénissez Dieu qui par les pleurs
Redonne à nos âmes flétries
De leur éclat perdu les premières couleurs.
Benedicite omnes spirites dei
Séditieux esprits d’orages,
Vents à l’inconstance obstinés
Qui comme lutins déchaînés
Nourrissez la mer de naufrages ;
Vrais corsaires, tyrans des eaux,
Perfides âmes des vaisseaux,
Bruyantes ailes de la foudre,
Bénissez Dieu de qui la voix
Dissipe comme vous la poudre,
Les armes, les états et les têtes des rois.
Benedicite glacies
Glace, muraille toujours fraiche,
Luisant asile des poissons
Interdisant aux hameçons
D’y venir que par une brèche ;
Claire croûte des moites eaux,
Glissante écorce des ruisseaux,
Solide pavé des rivières,
Bénissez le maitre des flots
Qui sait dompter leurs bosses fières,
Les durcissant en plaine ouverte aux chariots.
Benedicite nives
Belle soie au ciel raffinée,
Neige dont l’air se déchargeant
Comme d’une toison d’argent
Rend la campagne couronnée ;
Blanc du ciel par qui sont couverts
Les lieux qui soulaient être verts,
Tremblant albâtre de nos plaines,
Bénissez l’auguste grandeur
Du juge des grandeurs humaines,
Qui veut qu’on le bénisse en esprit de candeur.
Benedicite fontes domino
Fontaines où le soleil nage,
Clairs miroirs de cristal coulant,
Où par l’éclat d’un or tremblant
Cet astre fait voir son image ;
Chastes mères de nos ruisseaux,
Vives sources, riches vaisseaux
Qui regorgez d’argent potable,
Bénissez pour l’homme égaré
Celui dont l’adresse admirable
L’abreuve de l’argent dont il est altéré.
Benedicite maria
Vaste océan, monde liquide,
Lice des corsaires ailés
Que les quatre vents attelés
Emportent d’un effort rapide ;
Monstre éternellement couché,
Et dans votre lit attaché
Comme un capricieux malade,
Louez d’un air humilié
Vos fers après chaque boutade,
Et bénissez la main qui vous en a lié.
Benedicite flumina domino
Ondes sagement égarées
Dans ces audacieux détours,
Par qui le commerce prend cours
Entre les villes séparées ;
Veines des champs, longs serpents d’eau,
Qui traînez votre humide peau
Sous vos bords couverts de verdure,
Fleuves qui courez sans ennui
Quoiqu’avec un peu de murmure,
Bénissez le Seigneur en murmurant de lui.