Leïla
Il semble qu’aux sultans Dieu même
Pour femmes donne ses houris.
Mais, pour moi, la vierge qui m’aime,
La vierge dont je suis épris,
Les sultanes troublent le monde
Pour accomplir un de leurs voeux.
La vierge qui m’aime est plus blonde
Que les sables sous les flots bleus.
Le duvet où leur front sommeille
Au poids de l’or s’amoncela.
Rose, une rose est moins vermeille
Que la bouche de Leïla.
Elles ont la ceinture étroite,
Les perles d’or et le turban.
Sa taille flexible est plus droite
Que les cèdres du mont Liban!
Le hamac envolé se penche
Et les berce en son doux essor.
L’étoile au front des cieux est blanche,
Mais sa joue est plus blanche encor.
Elles ont la fête nocturne
Aux lueurs des flambeaux tremblants.
Ses bras comme des anses d’urne
S’arrondissent polis et blancs.
Elles ont de beaux bains de marbre
Où sourit le ciel étoilé.
Comme elle dormait sous un arbre,
J’ai vu son beau sein dévoilé.
Chaque esclave au tyran veut plaire
Comme chaque fleur au soleil.
Elle n’a pas eu de colère
Quand j’ai troublé son cher sommeil,
Dans leurs palais d’or, prisons closes,
Leurs chants endorment leurs ennuis.
Elle m’a dit tout bas des choses
Que je rêve tout haut les nuits!
Sa Hautesse les a d’un signe.
Il est le seul et le premier.
Ses bras étaient comme la vigne
Qui s’enlace aux bras du palmier!
Quand un seul maître a cent maîtresses,
Un jour n’a pas de lendemain.
Elle m’inondait de ses tresses
Pleines d’un parfum de jasmin!
Ce sont cent autels pour un prêtre,
Ou pour un seul char cent essieux.
Nous avons cru voir apparaître
La neuvième sphère des cieux!
Quelquefois les sultanes lèvent
Un coin de leur voile en passant.
Nous avions l’extase que rêvent
Les élus du Dieu tout-puissant!
Mais ce crime est la perte sûre
Des amants, toujours épiés.
Laissez-moi baiser sa chaussure
Et mettre mon front sous ses pieds!