Je me meurs tous les jours en adorant Sylvie
Je me meurs tous les jours en adorant Sylvie,
Mais dans les maux dont je me sens perir,
Je suis si content de mourir,
Que ce plaisir me redonne la vie.
Quand je songe aux beautez, par qui je suis la proye
De tant d’ennuis qui me vont tourmentant,
Ma tristesse me rend content,
Et fait en moy les effets de la joye.
Les plus beaux yeux du monde ont jetté dans mon ame,
Le feu divin qui me rend bien-heureux,
Que je vive ou meure pour eux,
J’aime à brusler d’une si belle flame.
Que si dans cet estat quelque doute m’agite,
C’est de penser que dans tous mes tourmens,
J’ay de si grands contentemens,
Que cela seul m’en oste le merite.
Ceux qui font en aimant des plaintes éternelles,
Ne doivent pas estre bien amoureux,
Amour rend tous les siens heureux,
Et dans les maux couronne ses fidelles.
Tandis qu’un feu secret me brusle et me devore,
J’ay des plaisirs à qui rien n’est égal,
Et je vois au fort de mon mal
Les Cieux ouverts dans les yeux que j’adore.
Une divinité de mille attraits pourveuë,
Depuis longtemps tient mon coeur en ses fers,
Mais tous les maux que j’ay souffers,
N’esgalent point le bien de l’avoir veuë.