Ma chaumière
Ma chaumière aurait, l’été, la feuillée des bois pour
Parasol, et l’automne, pour jardin, au bord de la fenêtre,
Quelque mousse qui enchâsse les perles de la pluie, et
Quelque giroflée qui fleure l’amande.
Mais l’hiver, – quel plaisir, quand le matin aurait secoué
Ses bouquets de givre sur mes vitres gelées, d’apercevoir
Bien loin, à la lisière de la forêt, un voyageur qui va
Toujours s’amoindrissant, lui et sa monture, dans la neige
Et la brume!
Quel plaisir, le soir, de feuilleter, sous le manteau de
La cheminée flambante et parfumée d’une bourrée de geniè-
Vre, les preux et les moines des chroniques, si merveil-
Leusement portraits qu’ils semblent, les uns jouter, les
Autres prier encore!
Et quel plaisir, la nuit, à l’heure douteuse et pâle, qui
Précède le point du jour, d’entendre mon coq s’égosiller
Dans le gelinier et le coq d’une ferme lui répondre faible-
Ment, sentinelle juchée aux avant-postes du village endormi.,
Ah! si le roi nous lisait dans son Louvre, – ô ma muse
Inabritée contre les orages de la vie! – le seigneur
Suzerain de tant de fiefs qu’il ignore le nombre de ses
Châteaux ne nous marchanderait pas une chaumine!