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Poèmes en français


C’est assez, mes désirs

C’est assez, mes désirs, qu’un aveugle penser,
Trop peu discrètement vous ait fait adresser
Au plus haut objet de la terre ;
Quittez cette poursuite, et vous ressouvenez
Qu’on ne voit jamais le tonnerre
Pardonner au dessein que vous entreprenez.

Quelque flatteur espoir qui vous tienne enchantés,
Ne connaissez-vous pas qu’en ce que vous tentez
Toute raison vous désavoue?
Et que vous m’allez faire un second Ixion,
Cloué là-bas sur une roue,
Pour avoir trop permis à son affection?

Bornez-vous, croyez-moi, dans un juste compas,
Et fuyez une mer, qui ne s’irrite pas
Que le succès n’en soit funeste ;
Le calme jusqu’ici vous a trop assurés ;
Si quelque sagesse vous reste,
Connaissez le péril, et vous en retirez.

Mais, ô conseil infâme, à profanes discours,
Tenus indignement des plus dignes amours
Dont jamais âme fut blessée ;
Quel excès de frayeur m’a su faire goûter
Cette abominable pensée,
Que ce que je poursuis me peut assez coûter?

D’où s’est coulée en moi cette lâche poison,
D’oser impudemment faire comparaison
De mes épines à mes roses?
Moi, de qui la fortune est si proche des cieux,
Que je vois sous moi toutes choses,
Et tout ce que je vois n’est qu’un point à mes yeux.

Non, non, servons Chrysante, et sans penser à moi,
Pensons à l’adorer d’une aussi ferme foi
Que son empire est légitime ;
Exposons-nous pour elle aux injures du sort ;
Et s’il faut être sa victime,
En un si beau danger moquons-nous de la mort.

Ceux que l’opinion fait plaire aux vanités,
Font dessus leurs tombeaux graver des qualités,
Dont à peine un Dieu serait digne ;
Moi, pour un monument et plus grand et plus beau,
Je ne veux rien que cette ligne :
L’exemple des amants est clos dans ce tombeau.


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Poeme C’est assez, mes désirs - François de Malherbe