L’orgueil
Monts superbes, dressez vos pics inaccessibles
Sur le cirque brumeux où plongent vos flancs verts!
Métaux, dans le regret des chaleurs impossibles,
Durcissez-vous au fond des volcans entr’ouverts!
– Hérisse, amer orgueil, ta muraille rigide
Sur le coeur que des yeux de femme ont perforé!
Désirs inassouvis, sous cette fière égide,
Mornes, endormez-vous dans le sommeil sacré!
– L’antique orage habite, ô monts! Dans vos abîmes,
Et prolonge sans fin sous les cèdres vibrants
Les sonores échos de ses éclats sublimes,
Et des troncs fracassés qu’emportent les torrents.
– Orgueil, derrière toi l’amour est là, qui gronde
Toujours, et fait crier l’ombre des rêves morts,
Aux lugubres appels de l’angoisse inféconde
Et des vieux désespoirs perdus dans les remords.
– Sur les ébranlements, les éclairs, les écumes,
Pics songeurs, vous gardez votre sérénité.
Du côté de la plaine, ô monts! Vierges de brumes,
Vos sommets radieux baignent dans la clarté.
– Sur les déchirements, les sanglots, les rancunes,
Fermez, orgueil, fierté, votre ceinture d’or.
Du côté de la vie aux rumeurs importunes
Reluisez au soleil, et souriez encor!