La vision d’Ève
… Soleil du jardin chaste! Ève aux longs cheveux d’or!
Toi qui fus le péché, toi qui feras la gloire!
Toi, l’éternel soupir que nous poussons encor!
Ineffable calice où la douleur vient boire!
Ô Femme! qui, sachant porter un ciel en toi,
À celui qui perdait l’autre ciel, en échange,
Offris tout, ta splendeur, ta tendresse et ta foi,
Plus belle sous le geste enflammé de l’archange!
Ô mère aux flancs féconds! Par quelle brusque horreur,
Endormeuse sans voix, étais-tu possédée?
Quel si livide éclair t’en fut le précurseur?
À quoi songeais-tu donc, la paupière inondée?
Ah! dans le poing crispé de Caïn endormi
Lisais-tu la réponse à ton rêve sublime?
Devinais-tu déjà le farouche ennemi
Sur Abel faible et nu s’essayant à son crime?