Française poésie

Poèmes en français


Le Luxembourg

À Béranger.

Jardin si beau devenu sombre,
Tes fleurs attristent ma raison,
Qui, semblable au ramier dans l’ombre,
S’abat au toit de ta prison.
Mais à rêver j’ai passé l’heure ;
Vous qui nous épiez d’en bas,
Ce n’est qu’un pauvre oiseau qui pleure :
Sentinelle! Ne tirez pas!

Au pied des barreaux formidables
Qui voilent des parents perdus,
Comme en des songes lamentables,
De longs sanglots sont entendus.
Grâce aux sanglots qui bravent l’heure!
Vous qu’ils ont irrité là-bas,
Ce n’est qu’un faible enfant qui pleure :
Sentinelle! Ne tirez pas!

Partout les lampes sont éteintes,
Les bruits des verroux et des fers
Sont étouffés comme les plaintes
De ces silencieux enfers.
Plus morne et plus lente que l’heure,
A genoux, qui donc est là-bas?
Ce n’est qu’une femme qui pleure :
Sentinelle! Ne tirez pas!

Sous l’oeil rouge du réverbère,
Quel est cet objet palpitant,
Près du guichet mordant la terre,
D’âme et de pitié haletant,
Sourd au cri de l’homme et de l’heure? …
Vous qui le menacez d’en bas,
Ce n’est qu’un pauvre chien qui pleure :
Sentinelle! Ne tirez pas!

Paix! Voici qu’on ouvre une porte :
C’est la mort traînant ses couleurs,
Et l’humble bière qu’on emporte,
Brise en passant de pâles fleurs.
Quand du rebelle a frappé l’heure,
Qui donc ose bénir tout bas?
Ce n’est qu’un vieux prêtre qui pleure :
Sentinelle! Ne tirez pas!


1 Star2 Stars3 Stars4 Stars5 Stars (1 votes, average: 5,00 out of 5)

Poeme Le Luxembourg - Marceline Desbordes-valmore