L’incendie du bazar
J’habite la montagne et j’aime à la vallée.
LE VICOMTE D’ARLINCOURT.
Ô toi, dont j’avais fait l’emplette
Pour danse au bois neige-noisette!
L’as-tu toujours, ma Jeanneton,
Ton jupon blanc, ton blanc jupon?
Pour quelque muscadin, matière à comédie,
Ne va pas m’oublier dans ce coquet bazar,
Où tu trône au comptoir. Colombine hardie!
Perçant l’horizon gris d’un oeil au vif regard,
Flamboyant vois mon coeur, d’amour vois l’incendie!
Et si tu l’as encore, écris-moi, Jeanneton,
Ton jupon blanc, ton blanc jupon.
Au feu! au feu! au feu! la Vierge à perdre haleine
Court… le bazar rissole! au feu! au feu! au feu!
N’est-ce pas Margoton, Cathin ou Madeleine?… –
Non, c’est la demoiselle au gendarme Mathieu.
– Fleur d’un jour, du ciel noir à la lueur soudaine,
Fuis!… et si tu l’emporte, écris-moi, Jeanneton,
Ton jupon blanc, ton blanc jupon?
Plus que feu, grand mangeur, crains l’ardeur déréglée
Du bourgeois camisard, du rustre porteur d’eau,
Du beau sapeur-pompier, à coiffe ciselée,
Gare au rapt! une fille est un léger fardeau.
À Blois, vers ton Titi, clerc à l’âme isolée,
Vole!… et si tu l’emporte, écris-moi, Jeanneton,
Ton jupon blanc, ton blanc jupon.
Ô toi, dont j’avais fait l’emplette
Pour danse au bois neige-noisette!
L’as-tu sauvé, ma jeanneton,
Ton jupon blanc, ton blanc jupon!