Je ne refuse point qu’en si belle jeunesse
Je ne refuse point qu’en si belle jeunesse
De mille et mille amants vous soyez la maîtresse,
Que vous n’aimiez partout, et que, sans perdre temps,
Des plus douces faveurs ne les rendiez contents :
La beauté florissante est trop soudain séchée
Pour s’en ôter l’usage, et la tenir cachée.
Mais je crève de rage et supporte au-dedans
Des glaçons trop serrés et des feux trop ardents,
Quand en dépit de moi vous faites que je sache
Le mal qui n’est point mal lorsque bien on le cache.
M’est-ce pas grand regret quand, sans le rechercher,
Fuyant pour n’en rien voir, on me le fait toucher?
On me le dit par force, et ce qui plus me tue,
On le crie en la cour, au palais, en la rue!
J’en entends le succès dès qu’il est advenu.
Si vous faites un pas, votre coche est connu,
Vos pages, vos laquais, et ces lieux ordinaires
Qui vous servent de temple aux amoureux mystères.
Pour n’en connaître rien, fussé-je aveugle et sourd!
Ou bien las! que plutôt le commun bruit qui court
Ne vient-il à moi seul, sans que la renommée
L’éventant çà et là vous rende diffamée?
Si seul je le savais que je serais content!
Le mal qu’on dit de vous ne m’irait dépitant,
Et lisant de mes yeux votre faute notoire
Pour me réconforter je n’en voudrais rien croire…