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Poèmes en français


Hymne à la mort

Pourquoi, vous qui rêvez d’unions éternelles,
Maudissez-vous la mort?
Est-ce bien moi qui romps des âmes fraternelles
L’indissoluble accord?

N’est-ce donc pas la vie aux querelles jalouses,
Aux caprices moqueurs,
Qui vient, comme la feuille à travers ces pelouses,
Éparpiller vos coeurs?

C’est sa main qui disjoint vos plus chères entrailles,
Vos âmes en lambeaux,
Et qui dresse entre vous d’aussi froides murailles
Que celles des tombeaux.

Moi, je vous réunis ; je vais, liant ma gerbe,
Aux champs les plus lointains ;
Et des coeurs divisés, de l’humble et du superbe,
Je confonds les destins.

C’est moi qui fais tomber les plus fortes barrières,
Qui brise tous les fers ;
J’ouvre un monde plus vaste aux vertus prisonnières
Dans l’étroit univers.

Chaque âme dans mon sein touche à toutes les âmes ;
Des bouts de firmament.
J’assemble et je confonds les plus diverses flammes
Dans mon embrasement.

L’amour est, sous ma loi, pur de la jalousie
Qui l’empoisonne ailleurs :
Il peut, sans rien ôter à l’idole choisie,
Se donner à plusieurs.

L’illusion si douce, ici-bas, t’est ravie ;
Tu vois partout le mal.
La mort conservera, mieux que n’a fait la vie,
Ton rêve d’idéal.

Viens, ô coeur fatigué, qui me craignis naguère,
Vois si je te trompais!
Repose-toi! La vie est l’éternelle guerre ;
Et moi, je suis la paix.


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Poeme Hymne à la mort - Victor de Laprade
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