Horror
Esprit mystérieux qui, le doigt sur ta bouche,
Passes… ne t’en va pas! parle à l’homme farouche
Ivre d’ombre et d’immensité,
Parle-moi, toi, front blanc qui dans ma nuit te penches!
Réponds-moi, toi qui luis et marches sous les branches
Comme un souffle de la clarté!
Est-ce toi que chez moi minuit parfois apporte?
Est-ce toi qui heurtais l’autre nuit à ma porte,
Pendant que je ne dormais pas?
C’est donc vers moi que vient lentement ta lumière?
La pierre de mon seuil peut-être est la première
Des sombres marches du trépas.
Peut-être qu’à ma porte ouvrant sur l’ombre immense,
L’invisible escalier des ténèbres commence ;
Peut-être, ô pâles échappés,
Quand vous montez du fond de l’horreur sépulcrale,
O morts, quand vous sortez de la froide spirale,
Est-ce chez moi que vous frappez!
Car la maison d’exil, mêlée aux catacombes,
Est adossée au mur de la ville des tombes.
Le proscrit est celui qui sort ;
Il flotte submergé comme la nef qui sombre.
Le jour le voit à peine et dit : Quelle est cette ombre?
Et la nuit dit : Quel est ce mort?
Sois la bienvenue, ombre! ô ma soeur! ô figure
Qui me fais signe alors que sur l’énigme obscure
Je me penche, sinistre et seul ;
Et qui viens, m’effrayant de ta lueur sublime,
Essuyer sur mon front la sueur de l’abîme
Avec un pan de ton linceul! …