Ode imitée de plusieurs psaumes
Et composée par l’auteur huit jours avant sa mort
J’ai révélé mon coeur au Dieu de l’innocence ;
Il a vu mes pleurs pénitents.
Il guérit mes remords, il m’arme de constance ;
Les malheureux sont ses enfants.
Mes ennemis, riant, ont dit dans leur colère :
» Qu’il meure et sa gloire avec lui! «
Mais à mon coeur calmé le Seigneur dit en père :
» Leur haine sera ton appui.
À tes plus chers amis ils ont prêté leur rage :
Tout trompe ta simplicité ;
Celui que tu nourris court vendre ton image
Noire de sa méchanceté.
Mais Dieu t’entend gémir, Dieu vers qui te ramène
Un vrai remords né des douleurs ;
Dieu qui pardonne enfin à la nature humaine
D’être faible dans les malheurs.
J’éveillerai pour toi la pitié, la justice
De l’incorruptible avenir ;
Eux-mêmes épureront, par leur long artifice,
Ton honneur qu’ils pensent ternir. «
Soyez béni, mon Dieu! vous qui daignez me rendre
L’innocence et son noble orgueil ;
Vous qui, pour protéger le repos de ma cendre,
Veillerez près de mon cercueil!
Au banquet de la vie, infortuné convive,
J’apparus un jour, et je meurs.
Je meurs ; et, sur ma tombe où lentement j’arrive,
Nul ne viendra verser des pleurs.
Salut, champs que j’aimais! et vous, douce verdure!
Et vous, riant exil des bois!
Ciel, pavillon de l’homme, admirable nature,
Salut pour la dernière fois!
Ah! puissent voir longtemps votre beauté sacrée
Tant d’amis sourds à mes adieux!
Qu’ils meurent pleins de jours! que leur mort soit pleurée!
Qu’un ami leur ferme les yeux!