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Poèmes en français


États

Ah! ce soir, j’ai le coeur mal, le coeur à la Lune!
Ô Nappes du silence, étalez vos lagunes ;
Ô toits, terrasses, bassins, colliers dénoués
De perles, tombes, lys, chats en peine, louez
La Lune, notre Maîtresse à tous, dans sa gloire :
Elle est l’Hostie! et le silence est son ciboire!
Ah! qu’il fait bon, oh! bel et bon, dans le halo
De deuil de ce diamant de la plus belle eau!
Ô Lune, vous allez me trouver romanesque,
Mais voyons, oh! seulement de temps en temps est-c’ que
Ce serait fol à moi de me dire, entre nous,
Ton Christophe Colomb, ô Colombe, à genoux?
Allons, n’en parlons plus ; et déroulons l’office
Dés minuits, confits dans l’alcool de tes délices.
Ralentendo vers nous, ô dolente Cité,
Cellule en fibroïne aux organes ratés!
Rappelle-toi les centaures, les villes mortes,
Palmyre, et les sphinx camards des Thèbe aux cent portes ;
Et quelle Gomorrhe a sous ton lac de Léthé
Ses catacombes vers la stérile Astarté!
Et combien l’homme, avec ses relatifs  » Je t’aime « ,
Est trop anthropomorphe au-delà de lui-même,
Et ne sait que vivotter comm’ ça des bonjours
Aux bonsoirs tout en s’arrangeant avec l’Amour.
– Ah! Je vous disais donc, et cent fois plutôt qu’une,
Que j’avais le coeur mal, le coeur bien à la Lune.


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Poeme États - Jules Laforgue